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 Trophée des 1000 lunes : Nora

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MessageSujet: Trophée des 1000 lunes : Nora   Trophée des 1000 lunes : Nora Icon_minitimeDim 24 Fév - 16:02

"Dépêchez vous, Nora" dit Dame Clairelle d'une voix douce.

En quelques dizaines de secondes Nora avait plié les vêtements, rangé la boîte en acajou dans le tiroir de la coiffeuse et posé sur le jeté de lit en peau de chevalume le costume de nuit de sa maîtresse.

Parce que quand Dame Clairelle disait "Dépêchez vous Nora", elle ne le répétait pas. Et si Nora était "lente", d'après les critères de Dame Clairelle, elle méritait d'être punie. Les punitions variaient, de quelques coups de fouet à la privation de nourriture pendant 48 heures ; mais ce que Nora redoutait le plus c'est quand elle lui enfonçait lentement ses longues aiguilles à tricotter dans la peau des bras.

Je vous vois sursauter, et vous vous dites que j'exagère. Pourquoi en effet une maîtresse consciente de ses intérêts et de la valeur d'une esclave s'amuserait elle à lui enfoncer des aiguilles dans la peau, au risque de l'abimer gravement et de lui faire perdre sa valeur marchande ?

Il n'y avait pas de raison logique à cela et Dame Clairelle avait un peu honte de sa conduite au point de ne jamais la mentionner, même à son mari, et de faire porter à Nora des costumes à manches longues pour cacher ses cicatrices.

Cela ne se faisait pas, dans la bonne société Derigion, de torturer les esclaves pour le plaisir. Une punition était une nécessité déplaisante, par laquelle il fallait passer pour l'éducation de ces barbares de l'est, pas un passe temps. Pourtant Dame Clairelle, ne pouvait pas se retenir. Quand elle entendait les gémissements de douleur de Nora, quand elle voyait ses larmes couler sur son visage, elle ressentait une telle chaleur dans le bas ventre, un tel frisson de plaisir qu'elle en oubliait toutes les convenances. Tellement plus de plaisir, finalement, que lorsque son mari l'honorait...

Elle laissa les mains expertes de Nora la déshabiller, puis se plongea avec délectation dans le bain chaud, parfumé aux huile de lys, que lui avait préparé sa servante. Un moment de détente bienvenu après une journée où elle n'avait pas cessé d'être nerveuse.

C'était, comme toujours, de la faute de son mari. Malgré tous ses efforts, malgré ses constants reproches, celui-ci ne cessait d'avoir des réflexes de... commerçant. Oui, commerçant, le mot n'était pas trop dur.

On avait beau être de haute noblesse Derigion, et avoir une épouse dont le père était un proche cousin de l'Empereur, quand, pour "faire des affaires", on s'abaissait à adresser la parole, pire, à inviter à dîner des parvenus locaux... on était rien de mieux qu'un boutiquier qui faisait des courbettes aux passants pour vendre des tapis.

Nora sortit, pour aller chercher du savon, et Dame Clairelle ferma les yeux.

Tout cela était de la faute de cette ville. Nerolazarevskaya. La cité avait beau être sous contrôle Derigion depuis bientôt 600 ans, elle n'en était restée pas moins... étrangère, et Dame Clairelle la haïssait. Ces bâtiments compacts et sombres, le clapotis constant de cet océan glauque et menaçant et, surtout, surtout, ses habitants.

Des barbares de l'est, des sous-êtres rusés et destructeurs, qui la suivaient d'un regard froid quand elle passait, avec sa mode importée directement de Pôle, dans leurs rues. "Dans nos rues" se reprit elle aussitôt. Cette ville fait partie intégrante de l'Empire Derigion.

C'est comme le nom qu'ils se donnaient entre eux, Vorozions, "peuple des Vohr", du nom d'un rebelle qu'ils admiraient et qui s'était fait éxécuter par l'Empire. Mais dans les bonnes familles de l'Empire, comme dans celle de Dame Clairelle, on refusait d'employer ce mot. Toute personne qui vivait sous la protection de l'Empire Derigion était un Derigion; et toute autre appellation fleurait déjà la trahison.

Pourquoi son mari ne comprenait il pas ça ? Pourquoi ne comprenait il pas qu'en les invitant sous son toit, en leur offrant à boire et à manger, en leur donnant du "noble Vorozion" à tour de bras, il jouait un jeu dangereux pour l'Empire, pour lui même ?

"Qu'est ce qu'un nom ?" disait il. "Qu'importe que je les appelle Vorozions ou Derigions, si j'arrive à obtenir des meilleurs prix pour le commerce de céréales !". Mais comment ne comprenait il pas que le nom était très important, que le nom était tout et que parler de "noble Vorozion" c'était les reconnaître, leur donner une existence, les créer...

S'il y avait des nobles Vorozions, et que les nobles Derigions étaient maîtres de leurs terres, alors, n'était ce pas avouer qu'il y avait un peuple sous contrôle, n'était ce pas pousser à la contestation, à la haine, à la révolte peut être ?

A la haine... L'eau du bain était devenue glaciale, et Dame Clairelle frissonna. Elle sortit seule de la baignoire, sans attendre le retour de Nora, et s'essuya. Comme la nuit était froide. Il avait fait chaud ce matin, mais la température avait chuté dans la journée, comme ça, d'un seul coup.

A la haine... Dame Clairelle s'essuya et enfila son costume de nuit. La haine. Ils nous haïssent. Ils me haïssent quand je passe dans la rue, quand j'achète leurs tissus, ils haïssent mon mari quand il plaisante avec eux et qu'il leur sert le vin de ses meilleures bouteilles, ils nous haïssent avec leurs sourires, avec leurs voix accueillantes, avec leurs "Merci, et à bientôt j'espère, noble dame..."

Soudain Dame Clairelle se sentit très seule, dans son immense chambre. Seule, seule dans une ville qu'elle n'aimait pas, seule parmi un peuple qu'elle ne comprenait pas, avec un mari pour qui, depuis longtemps, elle avait perdu toute tendresse et toute estime. Son corps était de plus en plus glacé, et elle serra son châle autour de ses épaules. "Je voudrais rentrer à la maison" se dit elle. "Je voudrais rentrer chez moi et ne plus les voir." Elle souhaita être de nouveau une petite fille, comme quand elle avait peur la nuit, et qu'elle courait se réfugier dans la chambre de sa mère. Un sanctuaire chaud et doux, où rien ne pouvait l'atteindre.

"J'ai peur" souffla t elle à Taamish qui la regardait de son oeil ivoire et brillant, là haut dans le ciel. "Cette ville me fait peur". Et Nora qui ne revenait pas...

Nora.

Nora, son esclave. Nora qui en était une, finalement, aussi... Une Vorozion. Uns sueur glacée lui mouilla soudain le dos, et ses muscles se tétanisèrent. Qu'est ce qu'elle pensait, Nora, sous ses grands yeux gris ? Est ce qu'elle la haïssait aussi, commes les autres ? Est ce qu'elle pouvait faire autre chose que la haïr ?

Nora. Est ce qu'elle n'avait pas changé légèrement d'attitude ces derniers temps ? Une sorte de dureté interne, d'attente, de résistance. Elle ne pleurait plus quand les aiguilles lui transperçaient la chair. Elle se contentait de regarder ailleurs, les traits de son visage crispés par la douleur.

Au rez-de-chaussé, une porte grinça, et Dame Clairelle tendit l'oreille. Un instant, il lui sembla entendre des chuchotements, des bruits de bottes... puis plus rien. La terreur l'envahit, partit de sa nuque, coula le long de son corps et de ses membres. "Je rêve, il n'y a personne..."

Des pas montaient l'escalier. Des pas feutrés, légers, assourdis.

"Nora c'est toi ?"

"Nora ?"


C'était la nuit de Taamish, en 659 AP. Néinnes, la dixième nuit du premier Mois des Séparations. La nuit où les Vorozions, qui se préparaient depuis des années, se révoltèrent et massacrèrent méthodiquement tous les Derigions installés sur leur territoire.

Ce jour là, le sang coula en rigoles dans les rues de Nerolazarevskaya, et dans les arabesques qu'il dessina sur les pavés des trottoirs on dit qu'on aurait pu y voir, si on avait su regarder, la chute encore lointaine de l'Empire Derigion écrite en lettres de sang.
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